Quelques
articles écrits par le Cabinet Roland LIENHARDT sur
le recours au CDD d'usage dans le spectacle. Ces articles
ont été publiés dans "La
lettre de Nodula".
.
Etude d'ensemble de la notion d'intermittent spectacle (avril 2008)
.
Peut on embaucher un intermittent
du spectacle ?
.
CDD d'usage : les listes
de fonctions en question
.
Intermittent spectacles :
ce que cache le conflit de l'été 2003 ?
.
Analyse des décisions
de la Cour de cassation du 26 novembre 2003 - Il
ne s'agit pas d'un revirement.
. Contrats à durée déterminée
: conséquence
de la transmission tardive du contrat au salarié
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Contrat
dintermittent : une notion inexacte et dangereuse
La notion dintermittent du spectacle,
largement répandue par la presse et certains textes
de nature réglementaire, est une notion inexacte et
dangereuse.
Les entreprises sont en effet persuadées quà
partir du moment où un salarié est inscrit au
chômage dans un des régimes des ASSEDIC spécifique
aux salariés du spectacle et de l'audiovisuel (1),
elles ont toujours le droit d'embaucher ce salarié
sur un contrat de travail à durée déterminée
(CDD), certaines allant même jusqu'à appeler
ces contrats des "contrats dintermittents",
ce qui ne correspond à aucune catégorie juridique,
ou du moins pas du tout à la catégorie juridique
envisagée, puisqu'un contrat intermittent est au sens
du code du travail un contrat à durée indéterminée.
Dans les secteurs de la création artistique, les entreprises
embauchent ainsi fréquemment leur personnel sur la
base de CDD qu'ils renouvellent souvent plusieurs fois de
suite. Or, dans de très nombreux cas, ces CDD successifs
sont susceptibles d'être requalifiés en contrat
de travail à durée indéterminée
(CDI), avec toutes les conséquences financières
qui en découlent.
Les cas autorisés de recours
aux CDD
Un employeur ne peut librement recruter
un salarié sous CDD. La loi limite (2)
les cas de recours aux CDD aux cas de figure suivants :
1/ pour remplacer un salarié absent (ou dans l'attente
de l'entrée en service effective d'un salarié
recruté par CDI pour occuper le poste) ;
2/ pour faire face à un accroissement temporaire de
l'activité de l'entreprise;
3/ pour pourvoir un emploi à caractère saisonnier
ou encore pour pourvoir, dans certains secteurs d'activité,
des emplois pour lesquels il est d'usage constant de ne pas
recourir aux CDI en raison de la nature de l'activité
et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
Les CDD dits d'usage
Les secteurs d'activité dans lesquels il est d'usage
de recourir au CDD sont : l'action culturelle, l'audiovisuel,
les spectacles, la production cinématographique, l'édition
phonographique et les centres de loisirs et de vacances (3).
La jurisprudence exige de plus que l'entreprise concernée
ait cette activité pour activité principale.
Mais attention, le seul fait de se situer dans un des secteurs
visés par les textes n'autorise pas le recours aux
CDD pour n'importe quel poste. Il faut, en effet, que l'emploi
à pourvoir ait un caractère temporaire, c'est-à-dire
qu'il ne sagisse pas dun emploi durable relevant
de l'activité normale et permanente de l'entreprise.
Si le poste est par nature temporaire, le contrat constitue
un CDD et il est possible de renouveler le CDD autant de fois
que nécessaire (4).
Au contraire, si le poste relève de l'activité
normale et permanente de l'entreprise, il ne peut être
pourvu sur la base d'un CDD et l'employeur doit forcément
recruter sous CDI. A défaut, le CDD pourrait faire
l'objet d'une requalification en CDI par les tribunaux.
Quelques exemples
Le caractère temporaire d'un
emploi s'apprécie au cas par cas. Lorsque les tribunaux
sont saisis dune demande de requalification de CDD en
CDI, ils procèdent à une analyse de la situation
et recherchent, au cas par cas, si l'activité du salarié
n'était pas lié à l'activité normale
et permanente de l'entreprise.
Ainsi, un théâtre peut valablement recruter un
artiste chorégraphique par le biais de cinq CDD successifs
si chaque contrat correspond à une mission précise,
comme la réalisation de la chorégraphie d'un
ou plusieurs spectacles déterminés
(5).
En revanche, lorsqu'un cabaret ou un théâtre
recrute une danseuse pour paraître dans un corps de
ballet pendant sept années de suite,afin de danser
au sein de la compagnie de danse du cabaret ou du théâtre
tous les spectacles présentés par le cabaret,
la relation de travail doit être requalifiée
en CDI (6).
Il en va de même pour le personnel de caisse, les ouvreuses
(7) et
les agents de sécurité, ainsi que pour une personne
embauchée en qualité de responsable d'antenne
télévision ou de présentateur-animateur
lorsque les émissions de télévision ne
sont ni déterminées ni limitées dans
le temps (8).
Les artistes membres des compagnies ou d'orchestres permanents
qui ne sont pas embauchés pour un spectacle précis
doivent être recrutés sous CDI,et éventuellement
sur des contrats intermittents, lesquels remplacent le contrat
de travail à temps partiel annualisé
(9),
si la nature de lemploi implique une alternance de périodes
travaillées et non travaillées. Ce dernier type
de contrat n'est possible que dans les secteurs pour lesquels
il existe un accord collectif sur cette question
L'accord cadre sur le recours au CDD d'usage
dans le spectacle
Un accord cadre est venu compléter ce dispositif et
réglementer le recours par les entreprises des secteurs
de la création artistique au contrat à durée
déterminée dusage (CDD dusage).
Cet accord définit les branches dactivités
autorisées à employer du personnel technique,
administratif, mais aussi artistique en utilisant la technique
du contrat dusage. Il est daté du 20 octobre
1998 et a fait lobjet dune mesure dextension.
Cet accord concerne les spectacles, laction culturelle,
laudiovisuel, la production cinématographique
et lédition phonographique (10).
Laccord définit ensuite les branches professionnelles
concernées en donnant les codes NAF de ces branches.
Ces codes NAF ne sauraient toutefois avoir une quelconque
conséquence juridique dans la mesure où ils
n'existent qu'à des fins statistiques.
Liste des branches :
- production cinématographique
et audiovisuelle (925.1A, 92.1B, 92.1C,92.2B, et 92.4Z pour
les agences de presse audiovisuelles) ;
- radio (92.2A) ;
- diffusion télévisuelle (92.2 C) :
- activité de diffusion,
- activité de production
- activité de radio
- prestations techniques du cinéma et de laudiovisuel
(22.1.G pour les studios denregistrement sonore, et
92.1D, sauf pour lactivité photochimique des
laboratoires de développement et de tirage) ;
- édition phonographique (22.1G) ;
- spectacle vivant / lieux fixes de spectacle ;
- spectacle vivant / entrepreneurs sans lieu fixe ;
- spectacle vivant / prestataires.
Le cadre politique de cet accord
Cet accord avait initialement pour but
de prendre des dispositions propres à favoriser
la consolidation du dispositif spécifique dindemnisation
du chômage applicable aux intermittents du spectacle
(11). Le problème
: cette notion dintermittent nexiste pas.
En effet, lannexe VIII de la convention sur lassurance
chômage concerne les salariés involontairement
privés demploi ou assimilés qui occupaient
des fonctions concourant à la production doeuvres
cinématographiques et audiovisuelles, fixées
ou non fixées, engagés par contrat de travail
à durée déterminée...
(12), quil
sagisse de contrat dusage ou non. Le texte de
lannexe VIII ne précise aucunement si lentreprise
qui embauche doit ou non avoir comme activité principale
une activité relevant dune des branches de laudiovisuel.
Un salarié embauché sous CDD peut donc toujours
bénéficier des dispositions de cette annexe
VIII, dès lors quil a concouru, dans le cadre
de son emploi, à la production doeuvres audiovisuelles.
Lannexe X de la convention sur lassurance chômage
concerne quant à elle les employeurs, personnes ou
physiques ou morales, produisant des spectacles, et les artistes
et techniciens quils emploient, quelle que soit par
ailleurs lactivité principale de lentreprise,
sous réserve que ces artistes et techniciens soient
engagés sous contrat de travail à durée
déterminée (13).
Là encore, il nest fait aucune référence
au contrat dusage. Ces dispositions concernent donc
tous les CDD.
Cet accord nous semble donc totalement inefficace au regard
de lun de ses principaux objectifs.
Larticle 3.2. de cet accord énonce ensuite que
les entreprises qui ne relèvent pas des branches dactivités
professionnelles visées par laccord, lorsquelles
recourent à des CDD, ne peuvent bénéficier
des dispositions spécifiques aux CDD dusage,
(pas de prime de précarité, possibilité
de reconduction sans limitation, régime de droit commun
en matière de congés payés).
Toutefois, le même article précise ensuite que
si les salariés concernés exercent lemploi
dartiste du spectacle ou lun des emplois figurant
dans les listes de fonctions organisées par laccord,
les employeurs, en accord avec les intéressés,
cotiseront, au titre des contrats en cause, aux organismes
sociaux du spectacle.
Cet accord est il légal
?
Cet accord vient organiser une distorsion
économique entre les entreprises dont lactivité
principale relève de lun des secteurs visés
par laccord et les autres entreprises qui devront payer
lindemnité de précarité alors que
celle-ci nest pas due pour les contrats dusage.
Ces entreprises devront également verser directement
les congés payés, au lieu de payer les congés
spectacles. Cela crée une distorsion de concurrence
entre des entreprises exerçant la même activité
selon que cette activité sera exercée à
titre principal ou non. Nous ne sommes pas certain quil
existe une justification à cette atteinte au principe
dégalité.
Il est vrai que la cour de cassation sest récemment
prononcée sur cette question et a considéré
que pour avoir recours aux contrats à durée
déterminée dusage, lentreprise devait
relever à titre principal de lun des secteurs
dactivité visé par larticle D 121-2
du code du travail. Il ne semble toutefois pas que la question
de la constitutionnalité et de la conformité
aux traités européens de ce texte ait été
soulevée.
Collaborations de longue
durée
Larticle 3.4.de laccord organise des dispositions
spécifiques pour les personnes ayant collaboré,
pendant une longue durée, de manière continue,
avec le même employeur.
Par collaboration continue de longue durée, on désigne
le cas où la durée cumulée (en nombre
de jours calendaires, décomptés du 1er au dernier
jour des contrats) des CDD dusage dun salarié
avec le même employeur, pendant une durée minimale
de 3 ans, dépasse 70 % de cette durée. Le texte
de laccord précise que chacun des CDD doit avoir
un objet particulier justifiant son caractère temporaire.
Dans un tel cas, lemployeur qui entend ne pas proposer
un nouveau contrat à durée déterminée
ou à durée indéterminée devra
en informer le salarié un mois au moins avant la date
de fin du dernier contrat, et verser au salarié, sil
ne lui est pas proposé un nouveau contrat, une indemnité,
qui sera au minimum, par année de collaboration continue,
de 20 % du salaire mensuel moyen perçu par le salarié
au cours de la période demploi.
En outre, si lemployeur ne respecte pas le délai
dinformation, il devra verser au salarié une
indemnité dun montant égal à un
mois de salaire aux conditions du dernier contrat.
Le moins que lon puisse dire, cest que cette disposition
risque fort dêtre dapplication délicate.
En effet, les entreprises devront dabord tenir un récapitulatif
de leurs recours aux CDD dusage par salarié,
afin de savoir quand ils tomberont sous le coup de cette disposition.
Ensuite, si le salarié est dans cette situation, il
suffira de lui proposer un CDD, même dune journée,
et éventuellement dans un délai dune année,
pour faire tomber lobligation de payer cette indemnité.
Il suffira de lui avoir proposé ce CDD dans le mois
précédent la fin du dernier contrat, date quil
sera souvent difficile de déterminer, quand les CDD
ont en général une durée inférieure
à 24 jours. Sur ces points le texte de laccord
est en effet dun manque certain de précision
et risque donc dêtre largement inefficace.
Laccord précise que ces dispositions sappliquent
sous réserve des dispositions réglementaires
et de la jurisprudence...
Le secteur du disque sest dailleurs désolidarisé
de cette disposition. Les CDD dusage, conclus avec un
artiste du spectacle, ayant pour objet la fixation à
titre exclusif de ses prestations ne sont donc pas concernés.
En effet, larticle L. 122-1 du Code du travail énonce
que le contrat de travail à durée déterminée
ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet, de pourvoir durablement
un emploi lié à lactivité normale
et permanente de lentreprise. Les situations relevant
de cet article risquent de correspondre le plus souvent à
des salariés qui devraient être embauchés
sur des contrats intermittent (C'est-à-dire à
durée indéterminée) et qui préfèrent
le recours au CDD afin de bénéficier des ASSEDIC.
Cela ne se justifie dailleurs plus au regard des nouvelles
dispositions relatives aux possibilités de cumul entre
allocation chômage et emploi à temps partiel.
Dispositions spécifiques au
spectacle vivant
Laccord spectacle vivant limite
lappartenance à la branche des prestataires du
spectacle vivant aux seules entreprises titulaires du label
prestataire de services du spectacle vivant. Cet accord fait
ainsi référence à un label actuellement
inexistant. Il sera intéressant de connaître
le motif dordre public qui autorisera le législateur,
(s'il se décide à le faire) à mettre
en place une telle réglementation des prestataires
de service du spectacle vivant. Nous nous permettons de rappeler
quun tel label doit obligatoirement être prévu
par un texte de nature législative. Il ne nous semble
pas quun quelconque projet en ce sens ait été
déposé au parlement.
Laccord autorise par contre les entreprises de spectacle
en régie des collectivités publiques à
exister... et fait référence à la loi
du 18 mars 1989 (qui lui est postérieure) venant réformer
lordonnance de 1945 sur les spectacles. Nous considérons
quant à nous quil est dores et déjà
possible de ne pas la respecter. Cette réglementation
nous semble à la fois entachée dinconstitutionnalité
parce que venant restreindre la liberté du commerce
et de lindustrie en dehors de tout motif dordre
public (14),
et par ailleurs contraire aux traités Européens,
parce que venant fausser la concurrence et restreindre laccès
au marché français du spectacle de façon
illégale. La France est en effet le seul pays d'Europe
à soumettre l'activité d'entrepreneur de spectacles
à une autorisation.
Pour conclure, il nous semble que cet accord qui relève
dune logique conservatrice et protectionniste, sil
était appliqué pénaliserait les branches
professionnelles innovantes des secteurs de la création
artistique, lesquelles voient en permanence émerger
de nouvelles fonctions.
Listes des fonctions par branches
dactivité.
Pour chacune de ces branches, les syndicats
ont listé lensemble des intitulés de poste,
mais sans les définir...
- Activité production;
- Liste des fonctions du secteur de lanimation;
- Activité radio;
- Activité diffusion télé;
- Activité prestataires techniques audiovisuelles (y
compris studios denregistrements sonores);
- Activités des prestataires dans lanimation;
- Activités de lindustrie phonographique (avec
une sous branche des emplois liés à la production
de vidéogrammes uniquement);
- Fonctions exercées dans les lieux fixes de spectacles
aménagés pour des représentations publiques
dans le cadre de leur activité de production et/ou
de diffusion de spectacles vivants pour lesquels le recours
au CDD dusage peut être légitime (il ne
sagit pas dun gag ...);
- Fonctions pour lesquelles le contrat à durée
déterminée dusage peut être (re-gag)
légitime dans le sous-secteur entrepreneurs de spectacles,
producteurs, entrepreneurs de tournée et/ou diffuseurs
nexploitant pas leur activité dans un lieu fixe
de spectacles vivants;
- Sous branche des prestataires de service du spectacle vivant.
Certaines des listes se recoupent. À titre dexemple,
la liste des fonctions des prestataires techniques audiovisuels
précise quelle concerne également les
studios denregistrement sonore, et la liste de lindustrie
phonographique inclut également toute les fonctions
liées à lenregistrement sonore, mais on
ny retrouve pas les mêmes intitulés.
Ainsi, lindustrie phonographique reconnaît les
techniciens son, lesquels ne sont pas reconnus par les studios
denregistrement sonore qui parlent dingénieur
du son.
Le Disc-Jockey figure dans la liste de lindustrie phonographique,
et pas dans celle du spectacle. En principe, le disc-Jockey
est un artiste et ne devrait donc même pas y figurer.
(1) qui sont moins exigeants sur le nombre
minimum d'heures à effectuer pour être indemnisé
(2) Article L. 122-1-1 du Code du travail
(3) Article D. 121-2 du Code du travail.
Il existe d'autres secteurs visés par cet article,
mais ils ne concernent pas le domaine culturel
(4) L'article L. 122-3-10 du Code du
travail précise que le renouvellement successif de
CDD ne risque pas d'aboutir à une requalification de
la relation de travail en CDI
(5) Cass. soc. 25 avril 1990, Dalloz
1990, IR page 125
(6) Cass. soc. 23 mai 1995 Dalloz 1995,
IR page 197
(7) CA Aix-en-Provence 24 mai 1988, Juris-Data
n° 051627
(8) Cass. soc. 22 janvier 1992 Dalloz
1992 IR page 68 et Cass. soc. 17 décembre 1997 n°
94-43.517
(9) Sur le contrat de travail à
temps partiel annualisé, (appelé également
contrat intermittent), voir "La Lettre de Nodula"
N° 47 - juillet 1996, page 189
(10) Il sagit de secteurs définis
à larticle D 121-2 du code du travail.
(11) Article 1.4. de laccord.
(12) Article 2 de lannexe VIII,
Journal 0fficiel du 5 mars 1993, page 3450.
(13) Cette définition est celle
des articles 1 et 2 de lannexe X - Journal officiel
du 5 mars 1993 - page 3459.
(14) Ce point est dailleurs reconnu
par le rapporteur du projet de loi à lassemblée
dans le cadre de son introduction.
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réservé.
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et de promotion réservés (Loi du 3 janvier 1995)
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