Peut-on
embaucher un "intermittent du spectacle"
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Malgré un mythe fort répandu,
il nexiste pas de statut dintermittent du spectacle
en France. Cette notion na aucune consistance juridique.
Elle est fort dangereuse pour les employeurs, et ne sert quà
entretenir les artistes dans un sentiment de fierté
dappartenir à une caste, ce qui permet à
certains syndicalistes professionnels de vivre (fort bien)
de cette ignorance au détriment de lintérêt
des professions du spectacle et de la diversité culturelle.
Nous recevons régulièrement des communiqués
de presse d'entreprises nous demandant de faire circuler l'information
relative à des offres d'emploi dans le domaine de la
culture. Certaines des offres sont ainsi libellées
:
Conditions : "Contrat intermittent du spectacle de
à
. . ".
Il s'agit
des dates correspondant à l'intégralité
de la saison durant laquelle l'entreprise est ouverte au public
et présente des spectacles.
"Travail le week-end et jours fériés,
35 heures avec ou sans spectacles en soirée".
Les offres d'emploi précisent parfois les missions.
À titre d'exemple : "Vous avez pour mission l'exploitation
des différentes régies son des spectacles vivants
de "nom de l'entreprise". Vous assurez la conduite
son des régies et les réglages journaliers avant
l'ouverture du parc au public".
Cet exemple émane d'une entreprise relevant du champ
d'application de la convention collective des parcs de loisir
et d'attraction. Mais on rencontre ce type d'offre d'emploi
dans tous les secteurs du spectacle et de l'audiovisuel.
Attention, de telles offres d'emploi encourent de façon
quasi certaine la requalification en contrat à durée
indéterminée.
Des conventions collectives
ambiguës
Ainsi, la convention collective des
parcs de loisir et d'attraction du 10 mai 1996 contient une
annexe spectacle qui intègre un article 2 relatif à
la nature du contrat. Cet article distingue d'une part entre
les contrats à durée déterminée
et d'autres part les contrats de travail des intermittents
du spectacle, artistes et techniciens.
L'article 2.1 indique le cadre juridique correspondant aux
contrats à durée déterminée et
rappelle les règles régissant la matière,
notamment :
- l'article L. 122-1 du code du travail qui énonce
que "le CDD, quel que soit son motif ne peut avoir
ni pour effet, ni pour objet de pourvoir durablement à
l'activité normale et permanente de l'entreprise"
(1).
- le fait que le CDD ne peut être conclu que pour l'exécution
d'une tâche précise et temporaire dans les cas
énumérés à l'article L. 122-1-1
du code du travail, dans ses alinéas 1 et 2, ce qui
correspond aux salariés embauchés sous Cdd de
droit commun, en cas de remplacement (L. 122-1-1.1°),
et d'accroissement temporaire d'activité (L. 122-1-1.2°).
L'article 2.2 "définit" ensuite les
contrats de travail des intermittents du spectacle artistes
et techniciens.
Il précise que les parcs de loisir et d'attraction
peuvent conclure des contrats de travail, dans les conditions
prévues par l'article L. 122-1-1.3° du code du
travail.
Or, le titre de cet article 2.2 ne correspond pas à
un cadre juridique existant et induit en erreur les entreprises.
En effet, le fait que l'artiste ou le technicien soit par
ailleurs ayant droit aux Assedic dans les annexe 8 ou 10 du
spectacle et de l'audiovisuel, ou qu'i soit éventuellement
adhérent aux congés spectacles n'a aucune incidence
sur l'application ou non des dispositions de l'article L.
122-1.1.3° du Code du travail.
En effet, un salarié peut ne pas être au chômage,
parce qu'il a un emploi à temps plein ou à temps
partiel et qu'il travaille en plus dans une entreprise de
spectacle. Un garçon boucher peut très bien
avoir un emploi de musicien le week-end et accéder
aux annexes spectacles du régime général
dassurance chômage sil est un jour au chômage.
Il naura aucun intérêt à le faire,
puisque le régime général auquel il pourra
également prétendre est nettement plus intéressant
que les annexes spectacles.
Il peut également relever du régime général
parce qu'il sort d'un emploi à durée indéterminée,
il peut également avoir une activité d'auteur
ou d'artiste interprète et des revenus d'auteur ou
de redevances d'artistes qui lui interdisent (en principe)
de se considérer comme demandeur d'emploi. Le salarié
peut également être résident d'un État
européen qui ne connaît pas de dispositions similaires.
Seules les caractéristiques de l'emploi sur lequel
le salarié est embauché et l'activité
principale de l'entreprise permettent d'avoir recours aux
contrats d'usage ou aux contrats saisonniers de l'article
L. 122-1-1.3° du Code du travail. La relation éventuelle
du salarié avec les ASSEDIC n'est d'aucune incidence
sur le régime juridique de l'emploi.
Ces dispositions sont rappelées de façon précise
dans l'accord interbranche sur le recours au contrat à
durée déterminée dans les secteurs du
spectacle et de l'audiovisuel de 1998 (2).
Cet accord précise tout d'abord de façon très
claire quil nentend pas déroger à
la jurisprudence de la Cour de Cassation sur le recours légitime
au CDD dusage. Il rappelle quil ne fait que tenir
compte de la jurisprudence de la Cour de Cassation sur le
recours au CDD dusage) et qu'il ne pose en conséquence
aucune règle nouvelle.
Il rappelle à ce titre que :
- "L'activité principale de l'entreprise qui
recours au CDD d'usage doit relever de l'un des secteurs cités
à l'article D. 121-2 du code du travail ;
- La mention d'un secteur d'activité à l'article
D. 121-2 du code du travail ne fonde pas à elle seule,
pour les entreprises de ce secteur, la légitimité
du recours au CDD d'usage ;
- Le CDD d'usage, comme tout contrat à durée
déterminée, doit être écrit ; il
doit en outre comporter la définition précise
de son motif.
- La succession de CDD d'usage d'un salarié avec le
même employeur sur plusieurs années ou plusieurs
saisons peut constituer un indice du caractère indéterminé
de la durée de l'emploi."
Larticle 3.3. de cet accord interbranche précise
en outre que :
" lemployeur qui engage un collaborateur dans
le cadre dun CDD dusage devra faire figurer sur
le contrat lobjet particulier de celui-ci, et justifier
du caractère par nature temporaire de cet objet, en
indiquant son terme, par une date ou lintervention dun
fait déterminé " (ces termes sont soulignés
dans l'accord.).
Le CDD d'usage ne déroge en aucune façon aux
dispositions de l'article L. 122-1 du code du travail, contrairement
à ce qu'indique un certain nombre de conventions collectives
dont les dispositions sont manifestement contraires à
la loi.
Ainsi, l'offre d'emploi que nous vous présentions en
exemple dans cet article contient en soit la preuve que l'emploi
ne correspond pas à un contrat d'usage. Dans ce cas
de figure, il correspond d'ailleurs à un contrat saisonnier,
également réglementé par l'article L.
122-1-1-3° du code du travail. Mais, dans la pratique,
l'entreprise qui emploie dans ce type de contrat aura tendance
à établir des fiches de paie et éventuellement
des contrats pour les seuls jours de travail effectif, le
salarié étant au chômage les autres jours.
Ce qui permet ainsi d'être salarié durant les
jours de repos par le biais des Assedic.
Le problème majeur, c'est que l'entreprise ne mentionnera
pas l'objet particulier du contrat, et pour cause, il n'existe
pas, le salarié travaillant dans notre exemple dans
les diverses régies du parc d'attraction sans être
affecté à une production particulière.
Il a donc un engagement durable lié à l'activité
permanente de l'entreprise et son contrat pourra être
requalifié en contrat à durée indéterminée
par le salarié.
En réalité ce type de contrat à la saison
sans objet particulier relève d'un travail saisonnier
et non d'un cdd d'usage.
(1) C'est la loi du 17
janvier 2002 qui a rajouté "quel que soit son
objet ". Cela ne change strictement rien au sens du texte,
étant donné que cette disposition était
déjà précisée par l'accord interbranche
sur l'utilisation du CDD dans le spectacle d'octobre 1998
et la jurisprudence, mais cela a pour but de limiter les contentieux,
fort nombreux en cette matière.`
(2) Cet accord a été rendu
obligatoire (étendu) par arrêté du 15
janvier 1999, Jo du 30 janvier 1999.
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© Roland LIENHARDT - 2003
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