CDD
d'usage : confirmation officielle de notre position
Un accord interbranche est
venu en octobre 1998 préciser le cadre du recours
par les entreprises des secteurs du spectacle et de l'audiovisuel
au contrat de travail à durée déterminée
(1).
Cet accord confirme une partie de la jurisprudence de la
Cour de Cassation sur le recours légitime au CDD
d'usage, à savoir :
- l'activité principale de l'entreprise qui recourt
aux CDD d'usage doit relever d'un des secteurs cités
à l'article D. 121.2 du code du travail (2)
;
- la mention d'un secteur d'activité à l'article
D. 121-2 du code du travail (3)
ne fonde pas à elle seule, pour les entreprises de
ce secteur, la légitimité du recours au CDD
d'usage ;
- le CDD d'usage, comme tout contrat à durée
déterminée, doit être écrit,
il doit en outre comporter la mention précise de
son motif (4);
- la succession de CDD d'usage d'un salarié avec
le même employeur sur plusieurs années ou plusieurs
saisons peut constituer un indice du caractère indéterminé
de la durée de l'emploi.
L'accord rappelle que l'employeur d'un salarié sous
CDD d'usage ne peut en principe imposer à celui-ci,
pour ce qui est de la durée du contrat, une incertitude
supérieure à celle qui pèse sur l'entreprise
pour l'objet du contrat. Cela signifie qu'une entreprise
qui gère par exemple la production exécutive
d'une émission de télévision diffusée
chaque jour ou chaque semaine, et qui a un contrat avec
le diffuseur d'une durée garantie de deux années,
ne peut en principe embaucher pour une période inférieure
à cette durée de deux années.
Extension des possibilités
de recours au CDD d'usage à certaines entreprises
L'accord du 12 octobre 1998 avait également pour
but d'étendre la possibilité de recours aux
CDD d'usage aux entreprises titulaires de la licence d'entrepreneur
de spectacle ne relevant pas d'un des secteurs d'activité
visés à l'article D. 121-2 du code du travail
ainsi qu'aux organisateurs occasionnels de spectacle vivant
tels que définis par l'ordonnance de 1945 (5).
Limitation du recours au CDD d'usage à
certaines catégories d'emplois
L'accord du 12 octobre 1998 entendait limiter la possibilité
d'utilisation du CDD d'usage à des fonctions précisément
définies dans des listes établies par secteurs
d'activités. Ces listes ont fait l'objet depuis 1998
de plusieurs mises à jour et modifications, avenants
n°2,3,4 et 5 (6).
Ces avenants viennent de faire l'objet d'un arrêté
d'extension qui confirme les réserves que nous avons
régulièrement émises quant à
la légalité de ces listes (1).
En effet, l'arrêté du 10 juin 2002 (7)
qui étend ces avenants, c'est-à-dire qui les
rend obligatoires, le fait "sous réserve
de l'application de l'article L. 122-1-1.3° du code
du travail tel qu'interprété par la jurisprudence
de la Cour de cassation et de l'article D. 121-2 du même
code".
En étendant ces avenants avec une telle réserve,
le ministère du travail montre clairement que s'il
ne peut rien refuser aux demandes émanant du ministère
de la culture, il note que l'intégralité de
ce mécanisme des listes de fonctions permettant seules
le recours au CDD d'usage est sujet à critique de
la part des tribunaux et ne semble pas pouvoir aller contre
la jurisprudence de la Cour de cassation. Nous ne pouvons
qu'approuver ces réserves.
En effet, le code du travail dispose qu'il est possible
de recourir aux CDD d'usage dans les secteurs définis
par les accords collectifs ou par l'article D. 121-2 du
code du travail que pour les seuls emplois à caractère
temporaire. Si le code du travail autorise les partenaires
sociaux à étendre le cadre du recours aux
CDD d'usage, ainsi en est-il de l'extension aux spectacles
occasionnels, aucune disposition légale n'autorise
les partenaires sociaux à restreindre ce recours
aux seuls emplois figurant sur les listes annexées
à l'accord du 12 octobre 1998 et ses avenants 2 à
5.
Une convention collective ne peut déroger à
l'article L. 122-1-1.3° du code du travail que dans
les cas prévus par le texte lui-même ou dans
un sens plus favorable au salarié, ce qui n'est à
notre avis pas le cas des dispositions organisant des listes
d'emplois pour lesquelles le recours au CDD d'usage est
possible, ce qui exclut de facto le recours au CDD d'usage
pour les autres emplois pouvant eux-aussi être par
nature temporaire.
La Cour de cassation est intervenue pour préciser
qu'une convention collective ne pouvait valablement pas
déroger à ce texte hors le cas prévu
par le texte lui-même. Cette décision de 1997
concernait des listes d'emploi similaires établies
à Radio France (8).
Un mécanisme
totalement obsolète
Ce mécanisme de listes fonctionne car les textes
organisant l'assurance-chômage des professionnels
du spectacle précisent que peuvent seuls relever
des annexes 8 et 10 les salariés exerçant
des fonctions figurant à ces listes d'emplois. Dans
la pratique, les entreprises qui ne veulent pas se compliquer
la vie, collent donc aux fonctions figurant dans ces listes,
mêmes si elles ne correspondent pas à la réalité
et au cadre d'emploi défini au contrat.
Ces listes fort complexes et sur la légalité
desquelles le ministère du travail lui-même
s'interroge, ne servent donc à rien d'autre qu'à
justifier les réunions régulières nécessaires
à leur mise à jour et les indemnités
versées aux syndicalistes professionnels chargés
de faire ce travail inutile.
(1) Accord du 12 octobre
1998, étendu par arrêté du 15 janvier
1999, Jo du 30 janvier 1999 - Voir La Lettre de Nodula de
Novembre 1998, p. 393 (T6), de décembre 1998, p 397
(T6).
(2) L'article L. 122-1-1.3° du
code du travail précise que ce type de contrat est
également possible outre les secteurs visés
par l'article D.121-2 du code du travail, aux secteurs d'activités
définis par voix de convention ou d'accord collectif
étendu.
(3) Figurent notamment à cette
liste : l'hôtellerie et la restauration, les spectacles,
l'action culturelle, l'audiovisuel, l'information, la production
cinématographique, l'enseignement, l'édition
phonographique, les centres de loisirs et de vacances, le
sport professionnel, la recherche scientifique exercée
dans le cadre d'une convention internationale, d'un arrangement
administratif international, ou par des chercheurs étrangers
résidant temporairement en France.
(4) Il est en effet nécessaire
que le contrat à durée déterminée
soit réellement conclu pour une opération
précise clairement identifiée, ainsi de la
production de tel spectacle, de tel programme, de tel film
ou telle uvre audiovisuelle nommément désignée
au contrat, de numéros déterminés d'une
émission. Un CDD d'usage ne saurait être conclu
avec la seule mention d'une émission diffusée
quotidiennement ou selon un certain rythme, mais sans limitation
dans le temps.
(5) Ordonnance n° 45- 2339 du 13
octobre 1945, modifiée par la loi n° 99-198 du
18 mars 1999, Jo du 19 mars 1999, p.4047 - Voir la Lettre
de Nodula n° 76, mars 1999, p. 421, Voir aussi
sur notre site l'intégralité des textes :
www.nodula.com/article-licence.html
(6) Bulletin Officiel du Ministère
du travail, fasc. n° 221/28 du 14 août 2001 (avenant
n° 4), et n° 2002/10 du 6 avril 2002 (avenant n°
2,3, et 5).
(7) Jo du 16 juin 2002, p. 10684.
(8) Cass. Soc, 17 décembre 1997,
Dalloz 1998, Jp p.557.
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© Roland LIENHARDT - 2002