Dans cette rubrique nous aborderons divers sujets comme :

La copie privée

Lorsque vous faites l’acquisition d’un disque, d’un livre, d’une œuvre qu’elle qu’en soit la nature, vous avez en principe le droit d’en réaliser une copie pour votre usage privé.

En effet, lorsqu’une œuvre a été divulguée, il existe certaines exploitations que l’auteur n’est pas en mesure d’interdire[1]. Il en est notamment ainsi des copies ou reproductions réalisées à partir d’une source licite et strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, à l’exception des copies des œuvres d’art destinées à être utilisées pour des fins identiques à celles pour lesquelles l’œuvre originale a été créée et des copies d’un logiciel autres que la copie de sauvegarde[2]ainsi que des copies ou des reproductions d’une base de données électronique.

Il existe de la même façon un droit de copie privée des prestations des artistes interprètes et de producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes[3]. En effet les bénéficiaires de ces droits ne peuvent interdire :

  • Les représentations privées et gratuites effectuées exclusivement dans un cercle de famille;
  • Les reproductions réalisées à partir d’une source licite, strictement réservées à l’usage privé de la personne qui les réalise et non destinées à une utilisation collective.

C’est la raison pour laquelle les tribunaux ont interdit aux producteurs de phonogrammes d’insérer dans leurs disques des mécanismes électroniques anti copie[4].

Cette exception de copie privée, est d’ailleurs encadrée par une directive européenne, au titre des exceptions possible aux droits des auteurs que les Etats membres ont le droit de mettre en œuvre[5].

Cette directive exige que les Etats membres qui mettent en œuvre cette exception organise pour les auteurs, artistes et producteurs qui sont ainsi privé d’une partie de leurs droits, une compensation équitable.

La redevance pour copie privée.

En France, c’est le nom que prend cette compensation équitable due aux auteurs, artistes-interprètes et producteurs. Elle est organisée par les articles L.311-1 à L.311-8 du code de la propriété intellectuelle.

Les redevables

Cette rémunération est versée par le fabricant, l’importateur ou l’acquéreur, au sens communautaire[6], de supports d’enregistrement utilisables pour la reproduction à usage privé d’œuvres ou de supports, lors de la mise en circulation en France de ces supports.[7]

Le montant de la rémunération équitable

Le montant de la rémunération est fonction du type de support et de la durée ou de la capacité d’enregistrement qu’il permet ou, dans certains cas, du nombre d’utilisateurs du service de stockage proposé par l’éditeur ou le distributeur du service de radio ou de télévision et des capacités de stockage mises à disposition par cet éditeur ou ce distributeur.

Cette disposition date de 1985.

Il convient de noter qu’avec l’évolution des pratiques numériques et l’essor des plateformes de streaming et des services cloud, la pertinence de ce système est régulièrement remise en question, car les utilisateurs réalisent de moins en moins de copies physiques des œuvres. A titre d’exemple, qui utilise encore son téléphone portable pour copier des disques ou des vidéos.

Une loi de 2021 a pourtant récemment étendu le cadre d’application de la copie privée aux produits reconditionnés[8], intégrant les téléphones, et a rajouté un nouvel alinéa à l’article L.311-5 du CPI, n’excluant de cette redevance que les produits reconditionnés par des entreprises de l’économie sociale et solidaire.

Les modalités de détermination de la redevance due au titre de la copie privée doivent être établies par une commission administrative présidée par un représentant de l’Etat et composée de personnes désignées par les représentants des bénéficiaires du droit à rémunération, des fabricants et importateurs des supports concernés par la redevance, et des organisations de consommateurs.

Il convient de noter qu’une partie conséquente de la redevance pour copie privée doit, de par la loi, être reversée par les sociétés de gestion collectives à des activités culturelles et éducatives[9].

[1] Article L.122-5 du code de la propriété intellectuelle

[2] Copie de sauvegarde devant être établie dans les conditions prévues au II de l’article L. 122-6-1 – « La personne ayant le droit d’utiliser le logiciel peut faire une copie de sauvegarde lorsque celle-ci est nécessaire pour préserver l’utilisation du logiciel »

[3] Article L.211-3 du CPI

[4] Cour d’appel de Paris, 22 avril 2005 (Affaire Mulholland Drive)

[5] Directive 2001/29/CE.

[6] Au sens du 3° du I de l’article 256 bis du code général des impôts,

[7] Article L.311-4 du Code de la Propriété intellectuelle

[8] L’article 20 de la loi du 15 novembre 2021 (publiée au JORF du 16 novembre 2021)

[9] Article L. 324-17 du code de la propriété intellectuelle

La rémunération équitable

(dernière mise à jour le 10 mars 2025)

La rémunération équitable est une compensation financière versée aux artistes interprètes et producteurs de phonogrammes qui ont été publiés à des fins de commerce pour les utilisations suivantes de ces phonogrammes :

  • communication dans un lieu public dès lors qu’ils ne sont pas utilisés dans un spectacle ;
  • radiodiffusion et câblo-distribution simultanée et intégrale, ainsi que reproduction strictement réservée à ces fins, effectuée par ou pour le compte d’entreprises de communication audiovisuelle en vue de sonoriser leurs programmes propres diffusés sur leur antenne ainsi que sur celles des entreprises de communication audiovisuelle qui acquittent la rémunération équitable.

Ce système est régi par des règles précises du Code de la propriété intellectuelle, notamment l’article L.214-1, et vise à garantir aux artistes et producteurs une compensation réparant le préjudice lié au fait qu’ils ne possèdent, au titre de ces modes d’exploitation, aucune prérogative sur la fixation de leur interprétation pour les artistes-interprètes, sur leurs phonogrammes pour les producteurs..

Cette compensation équitable n’est pas un droit que les artistes et producteurs peuvent apporter en gestion à une quelconque société de gestion collective et une société qui a pour unique objet la gestion d’un tel droit n’est pas une société de gestion collective.

La perception et la répartition de cette compensation équitable doit en vertu de l’article L.214-5 du code de la propriété intellectuelle, être assurée par un ou plusieurs organismes ou entités de gestion collective. Ces organismes ou entités sont les seules autorisées à percevoir cette rémunération et à la redistribuer aux artistes et producteurs.

Ces organismes sont définis par les articles L.321-1 et suivants, du code de la propriété intellectuelle. Leur objet principal doit consister à gérer le droit d’auteur ou les droits voisins de celui-ci pour le compte de plusieurs titulaires de ces droits.

Ce système s’inscrit dans un cadre législatif européen,( la Directive 2001/29/CE)

Le cabinet Roland LIENHARDT a développé depuis plusieurs années des argumentaires destinés à contester les sommes réclamées par la Société pour la Perception de la Rémunération Équitable de la Communication au Public des Phonogrammes du Commerce (Spré).

Ces contestations portent notamment :

  • Sur la recevabilité de la SPRE à se prétendre habilitée à percevoir la rémunération équitable en France, fondées sur le fait qu’elle n’est pas une société de gestion collective, contrairement à ce qu’elle prétend de façon mensongère ;
  • Sur le fait que, contrairement à ce qu’elle indique sur son site internet, la diffusion de phonogrammes du commerce dans un lieu public n’est pas conditionnée au paiement de la redevance qu’elle se prétend habilitée à réclamer ;
  • Sur les période d’arriérés que la SPRE réclame aux prétendus redevables ou aux mandataires sociaux des entreprises ;
  • Sur le cadre légal et réglementaire de la rémunération équitable et des prétendues décisions de la non-moins prétendue commission de l’article rémunération équitable.
  • Sur la champ d’application de la rémunération équitable : l’article L.214-1 du code de la propriété intellectuelle indique qu’elle n’est due qu’en cas de diffusion dans un lieu public, ce qui, par définition, exclut la diffusion de phonogrammes dans des lieux privés. A cet égard, si la SACEM nous semble avoir parfaitement le droit de percevoir des droits au nom des auteurs en cas de diffusion au delà du cercle de famille, et chaque fois que l’oeuvre est diffusée à un public, la rémunération équitable ne concerne que la diffusion dans des lieux librement accessibles au public, ce qui exclut les lieux dans lesquels on ne peut accéder que sur invitation personnalisée, ce qui est le cas des activités de privatisation, même exercées à titre professionnel ;
  • Les contestations portent encore sur les conditions d’élaboration de la réglementation et la constitutionnalité de l’interprétation que font le ministère de la culture et les juridictions françaises des dispositions du code de la propriété intellectuelle.
  • Les contestations portent également sur le droit de la SPRE, société de droit privé à exiger quoi que ce soit d’entreprises avec lesquelles elle n’a aucun lien de droit, et notamment la communication d’éléments comptables.

Les tribunaux français ont à ce jour rejeté l’essentiel de ces contestations en adoptant de façon quasi systématique les sophismes de la SPRE et du ministère de la culture.

Cependant, par une décision du 14 novembre 2024 (Affaire C-230/23), la Cour de Justice de l’Union Européenne a rendu une décision validant l’essentiel de nos analyses et invalidant l’ensemble de la jurisprudence française rendue au profit de la SPRE depuis quinze ans. La CJUE reconnait que les compensations équitables dues au titre des licences légales, c’est-à-dire des exception prévues par le droit européen aux droits des auteurs, des artistes et des producteurs ne sont pas des droits qui peuvent être apportés à une société de gestion collective. Cette décision met expressément à bas la position des autorités françaises (et de la SPRE) selon laquelle la rémunération équitable est une rémunération privée.

La position de la CJUE met également définitivement à mal la thèse selon laquelle, la rémunération équitable étant une rémunération privée, aucun formalisme n’est exigé de l’Etat lorsque sa réglementation est mise en oeuvre. La CJUE indique que la compensation équitable due au titre des exceptions aux droits des auteurs, des artistes et des producteurs est assimilable à une taxe et que sa gestion relève d’une mission de service public et d’intérêt général.

La SPRE qui n’intervient qu’en sa prétendue qualité de titulaire de ces droits que lui auraient apportés les artistes et les producteurs, droits reconnus comme inexistants par la CJUE, n’est donc pas une société de gestion collective et n’a aucun droit à prétendre percevoir en France la rémunération équitable de l’article L.214-1 du Code de la propriété intellectuelle.

La SPRE vient de modifier son site internet et ne prétend plus intervenir en vertu d’un mandat légal du ministère de la culture.

Il convient d’avoir à l’esprit que le ministère de la culture, en charge de la tutelle des société de gestion collective, est associé de ces mêmes sociétés dans de nombreuses entreprises culturelles. Il est donc juge et partie intéressée et l’enjeu financier de ce dossier est fort conséquent puisqu’une partie de la rémunération collectée alimente l’action culturelle.

Nous ne manquerons pas de commenter les prochaines décisions.

L'intelligence artificielle et le droit

L’intelligence artificielle (IA) est désormais un acteur incontournable de notre quotidien. Elle nous accompagne à chaque instant : sur nos smartphones, dans la gestion de nos courriels, et même dans des objets connectés tels que les réfrigérateurs intelligents. L’IA est partout, et ce n’est que le début.

L’humanité a, en effet, toujours rêvé de concevoir des machines intelligentes, souvent sous forme d’androïdes. Cette vision, qui était autrefois purement fantastique, est aujourd’hui en train de devenir réalité. Toutefois, cette avancée technologique n’est pas sans risques. L’IA soulève des questions cruciales sur le plan juridique, éthique et sociétal, imposant de définir un cadre juridique venant ainsi encourager l’innovation tout en assurant la préservation de nos droits

L’IA ACT

Qui est concerné par l’IA Act ?

L’IA Act s’applique à tous les acteurs, qu’ils soient du secteur public ou privé, que ce soit au sein de l’UE ou au-delà, dès lors que l’IA est mise sur le marché européen ou impacte des citoyens européens.

Les trois niveaux de risque de l’IA

Le règlement classe les systèmes d’IA en trois catégories, selon leur niveau de risque :

1- Les IA à Risque Inacceptable

L’IA à risque inacceptable concerne des pratiques clairement interdites, telles que :

    • La manipulation inconsciente des individus,
    • L’exploitation des vulnérabilités humaines,
    • La notation sociale (ranking social)
    • Etc

Ces IA sont purement et simplement interdites à la commercialisation.

2-Les IA à Risque Élevé

Ces systèmes sont associés à un risque important pour la sécurité et les droits fondamentaux. Exemples :

    • Les logiciels médicaux utilisant l’IA,
    • Les systèmes IA dans des domaines cruciaux comme la circulation routière, l’éducation, l’emploi, les forces de l’ordre, la gestion des frontières, etc.
      Ces IA doivent donc obéir à des règles spécifiques. Ainsi afin de se mettre en conformité, il est nécessaire de fournir de la documentation technique, procéder à une supervision humaine..

3- Les IA à Risque Limité

Pour ces systèmes, les utilisateurs doivent être clairement informés qu’ils interagissent avec une IA (ex : chatbots, générateurs d’images, deepfakes). Les IA produisant des contenus artificiels devront indiquer cette origine pour éviter toute confusion.
Par exemple, l’utilisation d’un chatbot pour l’assistance clientèle ou création d’images générées par IA pour des campagnes publicitaires devront mentionner qu’il y a la présence d’IA.

Les IA à Usage Général : Une Révolution en Marche

Des IA comme ChatGPT, GPT-4, ou Deepseek tombent sous le concept de « modèles d’IA à usage général ». Ces modèles, capables de traiter une grande quantité de données sans supervision humaine, peuvent accomplir une multitude de tâches. L’IA Act les considère avec un cadre particulier, qui inclut des exigences supplémentaires pour leur sécurité, notamment des mesures d’atténuation des risques et des obligations de cybersécurité.

Que risque-t-on en cas de non-respect de l’IA Act ?

Les sanctions prévues par l’IA Act sont sévères :

  • Amendes de 35 millions d’euros ou 7% du chiffre d’affaires mondial pour les violations les plus graves, comme la commercialisation d’IA interdites.
  • Amendes jusqu’à 15 millions d’euros ou 3% du chiffre d’affaires mondial pour des manquements aux obligations de conformité.
  • Sanctions supplémentaires en cas de publication d’informations erronées, pouvant aller jusqu’à 7,5 millions d’euros ou 1% du chiffre d’affaires mondial.

Il convient toutefois de noter que des mesures spécifiques sont mises en place pour soutenir les PME et startups, en adoptant des plafonds d’amendes plus souples afin d’encourager l’innovation.

Quand l’IA Act entre-t-il en vigueur ?

Le règlement entre en vigueur officiellement le 1er août 2024, avec une application complète des règles prévue pour le 2 août 2026. Cependant, certaines mesures entreront en application plus tôt, comme l’interdiction de commercialiser des IA à risque inacceptable, applicable depuis le 2 février 2025

Le « Faire Use » et l’IA

Une décision du Delaware, en date du 11 février 2025 concerne l’utilisation des oeuvres protégées dans le cadre de l’entraînement d’une IA.

En l’espèce, un conflit opposait la société Thomson Reuters, éditrice d’une base de données juridique, à la start-up Ross Intelligence, qui utilisait des résumés juridiques fournis par Thomson Reuters. Bien que ces résumés reposaient sur des décisions relevant du domaine public, le tribunal a estimé qu’ils bénéficiaient d’une protection particulière en raison du travail humain impliqué dans leur sélection et rédaction. Le juge a ainsi rejeté l’argument de Ross Intelligence fondé sur la doctrine du « Fair Use » (usage loyal), qui permettrait l’utilisation d’œuvres protégées sans autorisation, estimant que cela ne s’appliquait pas dans ce cas.

 

Les contrats du spectacle et la notion d'intermittent

Contrat d’intermittent : une notion inexacte et dangereuse

La notion d’intermittent du spectacle, largement répandue par la presse et certains textes de nature réglementaire, est une notion inexacte et dangereuse.

Les entreprises sont en effet persuadées qu’à partir du moment où un salarié est inscrit au chômage dans un des régimes des ASSEDIC spécifique aux salariés du spectacle et de l’audiovisuel (1), elles ont toujours le droit d’embaucher ce salarié sur un contrat de travail à durée déterminée (CDD), certaines allant même jusqu’à appeler ces contrats des « contrats d’intermittents », ce qui ne correspond à aucune catégorie juridique, ou du moins pas du tout à la catégorie juridique envisagée, puisqu’un contrat intermittent est au sens du code du travail un contrat à durée indéterminée.

Dans les secteurs de la création artistique, les entreprises embauchent ainsi fréquemment leur personnel sur la base de CDD qu’ils renouvellent souvent plusieurs fois de suite. Or, dans de très nombreux cas, ces CDD successifs sont susceptibles d’être requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée (CDI), avec toutes les conséquences financières qui en découlent.

 

Les cas autorisés de recours aux CDD

Un employeur ne peut librement recruter un salarié sous CDD. La loi limite (2) les cas de recours aux CDD aux cas de figure suivants :

1/ pour remplacer un salarié absent (ou dans l’attente de l’entrée en service effective d’un salarié recruté par CDI pour occuper le poste) ;

2/ pour faire face à un accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise;

3/ pour pourvoir un emploi à caractère saisonnier ou encore pour pourvoir, dans certains secteurs d’activité, des emplois pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir aux CDI en raison de la nature de l’activité et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

Les CDD dits d’usage

Les secteurs d’activité dans lesquels il est d’usage de recourir au CDD sont : l’action culturelle, l’audiovisuel, les spectacles, la production cinématographique, l’édition phonographique et les centres de loisirs et de vacances (3). La jurisprudence exige de plus que l’entreprise concernée ait cette activité pour activité principale.

Mais attention, le seul fait de se situer dans un des secteurs visés par les textes n’autorise pas le recours aux CDD pour n’importe quel poste. Il faut, en effet, que l’emploi à pourvoir ait un caractère temporaire, c’est-à-dire qu’il ne s’agisse pas d’un emploi durable relevant de l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Si le poste est par nature temporaire, le contrat constitue un CDD et il est possible de renouveler le CDD autant de fois que nécessaire (4).
Au contraire, si le poste relève de l’activité normale et permanente de l’entreprise, il ne peut être pourvu sur la base d’un CDD et l’employeur doit forcément recruter sous CDI. A défaut, le CDD pourrait faire l’objet d’une requalification en CDI par les tribunaux.

 

Quelques exemples

Le caractère temporaire d’un emploi s’apprécie au cas par cas.

Lorsque les tribunaux sont saisis d’une demande de requalification de CDD en CDI, ils procèdent à une analyse de la situation et recherchent, au cas par cas, si l’activité du salarié n’était pas lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Ainsi, un théâtre peut valablement recruter un artiste chorégraphique par le biais de cinq CDD successifs si chaque contrat correspond à une mission précise, comme la réalisation de la chorégraphie d’un ou plusieurs spectacles déterminés (5).

En revanche, lorsqu’un cabaret ou un théâtre recrute une danseuse pour paraître dans un corps de ballet pendant sept années de suite,afin de danser au sein de la compagnie de danse du cabaret ou du théâtre tous les spectacles présentés par le cabaret, la relation de travail doit être requalifiée en CDI (6). Il en va de même pour le personnel de caisse, les ouvreuses (7) et les agents de sécurité, ainsi que pour une personne embauchée en qualité de responsable d’antenne télévision ou de présentateur-animateur lorsque les émissions de télévision ne sont ni déterminées ni limitées dans le temps (8).

Les artistes membres des compagnies ou d’orchestres permanents qui ne sont pas embauchés pour un spectacle précis doivent être recrutés sous CDI,et éventuellement sur des contrats intermittents, lesquels remplacent le contrat de travail à temps partiel annualisé (9), si la nature de l’emploi implique une alternance de périodes travaillées et non travaillées. Ce dernier type de contrat n’est possible que dans les secteurs pour lesquels il existe un accord collectif sur cette question.

 

L’accord cadre sur le recours au CDD d’usage dans le spectacle

Un accord cadre a été mis en place pour compléter ce dispositif et encadrer l’utilisation des contrats à durée déterminée d’usage (CDD d’usage) dans les entreprises des secteurs de la création artistique. Cet accord précise les secteurs d’activité autorisés à recourir à ce type de contrat pour l’emploi de personnel technique, administratif et artistique. Daté du 20 octobre 1998, il a été étendu par une mesure spécifique.

L’accord national interbranches du 24 juin 2008, portant sur la politique contractuelle dans le spectacle vivant public et privé, a modifié la liste des fonctions permettant le recours au CDD d’usage. Il a également prévu que cette liste soit mise à jour par des accords collectifs propres à chaque branche du spectacle vivant.

Cet accord concerne les secteurs des spectacles, de l’action culturelle, de l’audiovisuel, de la production cinématographique et de l’édition phonographique (10).

L’accord définit ensuite les branches professionnelles concernées en donnant les codes NAF de ces branches. Ces codes NAF ne sauraient toutefois avoir une quelconque conséquence juridique dans la mesure où ils n’existent qu’à des fins statistiques.

 

Liste des branches :

– production cinématographique et audiovisuelle (925.1A, 92.1B, 92.1C,92.2B, et 92.4Z pour les agences de presse audiovisuelles) ;

radio (92.2A) ;
– diffusion télévisuelle (92.2 C) :
– activité de diffusion,
– activité de production
– activité de radio
– prestations techniques du cinéma et de l’audiovisuel (22.1.G pour les studios d’enregistrement sonore, et 92.1D, sauf pour l’activité photochimique des laboratoires de développement et de tirage) ;
– édition phonographique (22.1G) ;
– spectacle vivant / lieux fixes de spectacle ;
– spectacle vivant / entrepreneurs sans lieu fixe ;
– spectacle vivant / prestataires.

 

Le cadre politique de cet accord

Cet accord avait initialement pour but de prendre des dispositions “propres à favoriser la consolidation du dispositif spécifique d’indemnisation du chômage applicable aux intermittents du spectacle” (11). Le problème : cette notion d’intermittent n’existe pas.

En effet, l’annexe VIII de la convention sur l’assurance chômage concerne “les salariés involontairement privés d’emploi ou assimilés qui occupaient des fonctions concourant à la production d’oeuvres cinématographiques et audiovisuelles, fixées ou non fixées, engagés par contrat de travail à durée déterminée… ” (12), qu’il s’agisse de contrat d’usage ou non. Le texte de l’annexe VIII ne précise aucunement si l’entreprise qui embauche doit ou non avoir comme activité principale une activité relevant d’une des branches de l’audiovisuel. Un salarié embauché sous CDD peut donc toujours bénéficier des dispositions de cette annexe VIII, dès lors qu’il a concouru, dans le cadre de son emploi, à la production d’oeuvres audiovisuelles.

L’annexe X de la convention sur l’assurance chômage concerne quant à elle les employeurs, personnes ou physiques ou morales, produisant des spectacles, et les artistes et techniciens qu’ils emploient, quelle que soit par ailleurs l’activité principale de l’entreprise, sous réserve que ces artistes et techniciens soient engagés sous contrat de travail à durée déterminée (13). Là encore, il n’est fait aucune référence au contrat d’usage. Ces dispositions concernent donc tous les CDD.

Cet accord nous semble donc totalement inefficace au regard de l’un de ses principaux objectifs.

L’article 3.2. de cet accord énonce ensuite que les entreprises qui ne relèvent pas des branches d’activités professionnelles visées par l’accord, lorsqu’elles recourent à des CDD, ne peuvent bénéficier des dispositions spécifiques aux CDD d’usage, (pas de prime de précarité, possibilité de reconduction sans limitation, régime de droit commun en matière de congés payés).

Toutefois, le même article précise ensuite que si les salariés concernés exercent l’emploi d’artiste du spectacle ou l’un des emplois figurant dans les listes de fonctions organisées par l’accord, les employeurs, en accord avec les intéressés, cotiseront, au titre des contrats en cause, aux organismes sociaux du spectacle.

 

Cet accord est il légal ?

Cet accord vient organiser une distorsion économique entre les entreprises dont l’activité principale relève de l’un des secteurs visés par l’accord et les autres entreprises qui devront payer l’indemnité de précarité alors que celle-ci n’est pas due pour les contrats d’usage. Ces entreprises devront également verser directement les congés payés, au lieu de payer les congés spectacles. Cela crée une distorsion de concurrence entre des entreprises exerçant la même activité selon que cette activité sera exercée à titre principal ou non. Nous ne sommes pas certain qu’il existe une justification à cette atteinte au principe d’égalité.

Il est vrai que la cour de cassation s’est récemment prononcée sur cette question et a considéré que pour avoir recours aux contrats à durée déterminée d’usage, l’entreprise devait relever à titre principal de l’un des secteurs d’activité visé par l’article D 121-2 du code du travail. Il ne semble toutefois pas que la question de la constitutionnalité et de la conformité aux traités européens de ce texte ait été soulevée.

 

Collaborations de longue durée

L’article 3.4.de l’accord organise des dispositions spécifiques pour les personnes ayant collaboré, pendant une longue durée, de manière continue, avec le même employeur.

Par collaboration continue de longue durée, on désigne le cas où la durée cumulée (en nombre de jours calendaires, décomptés du 1er au dernier jour des contrats) des CDD d’usage d’un salarié avec le même employeur, pendant une durée minimale de 3 ans, dépasse 70 % de cette durée. Le texte de l’accord précise que chacun des CDD doit avoir un objet particulier justifiant son caractère temporaire.

Dans un tel cas, l’employeur qui entend ne pas proposer un nouveau contrat à durée déterminée ou à durée indéterminée devra en informer le salarié un mois au moins avant la date de fin du dernier contrat, et verser au salarié, s’il ne lui est pas proposé un nouveau contrat, une indemnité, qui sera au minimum, par année de collaboration continue, de 20 % du salaire mensuel moyen perçu par le salarié au cours de la période d’emploi.

En outre, si l’employeur ne respecte pas le délai d’information, il devra verser au salarié une indemnité d’un montant égal à un mois de salaire aux conditions du dernier contrat.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette disposition risque fort d’être d’application délicate. En effet, les

entreprises devront d’abord tenir un récapitulatif de leurs recours aux CDD d’usage par salarié, afin de savoir quand ils tomberont sous le coup de cette disposition. Ensuite, si le salarié est dans cette situation, il suffira de lui proposer un CDD, même d’une journée, et éventuellement dans un délai d’une année, pour faire tomber l’obligation de payer cette indemnité. Il suffira de lui avoir proposé ce CDD dans le mois précédent la fin du dernier contrat, date qu’il sera souvent difficile de déterminer, quand les CDD ont en général une durée inférieure à 24 jours. Sur ces points le texte de l’accord est en effet d’un manque certain de précision et risque donc d’être largement inefficace.

L’accord précise que ces dispositions s’appliquent sous réserve des dispositions réglementaires et de la jurisprudence…

Le secteur du disque s’est d’ailleurs désolidarisé de cette disposition. Les CDD d’usage, conclus avec un artiste du spectacle, ayant pour objet la fixation à titre exclusif de ses prestations ne sont donc pas concernés.

En effet, l’article L. 122-1 du Code du travail énonce que le contrat de travail à durée déterminée ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet, de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise. Les situations relevant de cet article risquent de correspondre le plus souvent à des salariés qui devraient être embauchés sur des contrats intermittent (C’est-à-dire à durée indéterminée) et qui préfèrent le recours au CDD afin de bénéficier des ASSEDIC. Cela ne se justifie d’ailleurs plus au regard des nouvelles dispositions relatives aux possibilités de cumul entre allocation chômage et emploi à temps partiel.

Dispositions spécifiques au spectacle vivant

L’accord spectacle vivant limite l’appartenance à la branche des prestataires du spectacle vivant aux seules entreprises titulaires du label prestataire de services du spectacle vivant. Cet accord fait ainsi référence à un label actuellement inexistant. Il sera intéressant de connaître le motif d’ordre public qui autorisera le législateur, (s’il se décide à le faire) à mettre en place une telle réglementation des prestataires de service du spectacle vivant. Nous nous permettons de rappeler qu’un tel label doit obligatoirement être prévu par un texte de nature législative. Il ne nous semble pas qu’un quelconque projet en ce sens ait été déposé au parlement.

L’accord autorise par contre les entreprises de spectacle en régie des collectivités publiques à exister… et fait référence à la loi du 18 mars 1989 (qui lui est postérieure) venant réformer l’ordonnance de 1945 sur les spectacles. Nous considérons quant à nous qu’il est d’ores et déjà possible de ne pas la respecter. Cette réglementation nous semble à la fois entachée d’inconstitutionnalité parce que venant restreindre la liberté du commerce et de l’industrie en dehors de tout motif d’ordre public (14), et par ailleurs

contraire aux traités Européens, parce que venant fausser la concurrence et restreindre l’accès au marché français du spectacle de façon illégale. La France est en effet le seul pays d’Europe à soumettre l’activité d’entrepreneur de spectacles à une autorisation.

Pour conclure, il nous semble que cet accord qui relève d’une logique conservatrice et protectionniste, s’il était appliqué pénaliserait les branches professionnelles innovantes des secteurs de la création artistique, lesquelles voient en permanence émerger de nouvelles fonctions.

Listes des fonctions par branches d’activité :

l’ensemble des intitulés de poste, mais sans les définir…

– Activité production;
– Liste des fonctions du secteur de l’animation;
– Activité radio;
– Activité diffusion télé;
– Activité prestataires techniques audiovisuelles (y compris studios d’enregistrements sonores);
– Activités des prestataires dans l’animation;
– Activités de l’industrie phonographique (avec une sous branche des emplois liés à la production de vidéogrammes uniquement);
– Fonctions exercées dans les lieux fixes de spectacles aménagés pour des représentations publiques dans le cadre de leur activité de production et/ou de diffusion de spectacles vivants pour lesquels le recours au CDD d’usage peut être légitime (il ne s’agit pas d’un gag …);
– Fonctions pour lesquelles le contrat à durée déterminée d’usage peut être (re-gag) légitime dans le sous-secteur entrepreneurs de spectacles, producteurs, entrepreneurs de tournée et/ou diffuseurs n’exploitant pas leur activité dans un lieu fixe de spectacles vivants;
– Sous branche des prestataires de service du spectacle vivant.

Certaines des listes se recoupent. À titre d’exemple, la liste des fonctions des prestataires techniques audiovisuels précise qu’elle concerne également les studios d’enregistrement sonore, et la liste de l’industrie phonographique inclut également toute les fonctions liées à l’enregistrement sonore, mais on n’y retrouve pas les mêmes intitulés.

Ainsi, l’industrie phonographique reconnaît les techniciens son, lesquels ne sont pas reconnus par les studios d’enregistrement sonore qui parlent d’ingénieur du son.

Le Disc-Jockey figure dans la liste de l’industrie phonographique, et pas dans celle du spectacle. En principe, le disc-Jockey est un artiste et ne devrait donc même pas y figurer.

(1) qui sont moins exigeants sur le nombre minimum d’heures à effectuer pour être indemnisé

(2) Article L. 122-1-1 du Code du travail
(3) Article D. 121-2 du Code du travail. Il existe d’autres secteurs visés par cet article, mais ils ne concernent pas le domaine culturel
(4) L’article L. 122-3-10 du Code du travail précise que le renouvellement successif de CDD ne risque pas d’aboutir à une requalification de la relation de travail en CDI
(5) Cass. soc. 25 avril 1990, Dalloz 1990, IR page 125
(6) Cass. soc. 23 mai 1995 Dalloz 1995, IR page 197
(7) CA Aix-en-Provence 24 mai 1988, Juris-Data n° 051627 (8) Cass. soc. 22 janvier 1992 Dalloz 1992 IR page 68 et Cass. soc. 17 décembre 1997 n° 94-43.517
(9) Sur le contrat de travail à temps partiel annualisé, (appelé également contrat intermittent), voir « La Lettre de Nodula » N° 47 – juillet 1996, page 189
(10) Il s’agit de secteurs définis à l’article D 121-2 du code du travail.
(11) Article 1.4. de l’accord.
(12) Article 2 de l’annexe VIII, Journal 0fficiel du 5 mars 1993, page 3450.
(13) Cette définition est celle des articles 1 et 2 de l’annexe X – Journal officiel du 5 mars 1993 – page 3459.
(14) Ce point est d’ailleurs reconnu par le rapporteur du projet de loi à l’assemblée dans le cadre de son introduction.

L'embauche des mineurs et le droit à l'image

Page en cours de rédaction.

Protéger ses oeuvres

Déposer ses œuvres : le choix d’une procédure

Il peut parfois être utile de déposer ses œuvres avant de les communiquer. En effet, même si l’intérêt du dépôt n’est pas toujours évident, reste que en matière de création, il sera toujours indispensable pour un professionnel de se poser la question des conséquences d’un conflit. Ce dépôt a indéniablement un effet psychologique qui a pour mérite de rassurer l’auteur qui est obligé de divulguer son œuvre pour trouver des partenaires.

Il est peut être utile de rappeler qu’en droit français, les œuvres sont protégées dès leur création indépendamment d’une quelconque procédure.

L’Effet du dépôt

Il existe cependant des procédures de dépôt créant des droits en matière de dessin et modèle : le dessin ou modèle déposé permettant alors à son titulaire d’utiliser des techniques juridiques spécifiques contre les utilisations non autorisées, et ceci bien que le dessin ou modèle non déposé soit tout de même protégé par le droit d’auteur (la mise en œuvre de la défense en cas de contrefaçon étant alors plus compliquée).

De plus, le dépôt offre l’avantage d’apporter une date certaine. En effet, le dépôt donne la preuve qu’à la date où il a été effectué, le déposant était en possession de l’œuvre ou de l’objet, objet du dépôt. Élément qui ne prouve pas forcément qu’il en est l’auteur ou le créateur, ni même qu’il possède les droits d’auteur sur cette œuvre, mais qui permet simplement en cas de conflit de faire jouer une antériorité de création devant un juge et aide par conséquent à démontrer qu’un tiers à divulgué votre oeuvre sans autorisation.

Enfin, le dépôt peut également être utilisé pour se prémunir en cas de divulgation de projets ne bénéficiant pas de la protection du droit d’auteur. Ainsi, si vous avez un projet de production audiovisuelle, ou de festival, ou de modèle ne constituant pas forcément en soi une œuvre protégeable, mais étant susceptible d’avoir une valeur économique, la technique du dépôt, en prouvant une antériorité de date, permettra d’attaquer en concurrence déloyale le partenaire indélicat qui aura refusé de collaborer avec vous mais aura conservé votre projet pour le développer sans vous.

Les techniques de dépôt

Elles sont au nombre de quatre :

1 – Dépôt auprès d’un notaire. Ce mode de dépôt est toujours possible. Il a l’inconvénient d’être onéreux.

2. Dépôt auprès d’un commissaire de justice, certains commissaires de justice peuvent proposer des tarifs attractifs.

3 – Dépôt auprès des organismes d’auteurs (sociétés civiles ou syndicats).

Depuis que la signature électronique a une existence légale, certaines sociétés d’auteur ont développé des dépôt électroniques qui s’avèrent désormais très efficace et rapides.

Concernant les dépôts matérialisés, ces organismes n’ont pas toujours une grande rigueur dans la gestion des dépôts. Il s’agit d’organismes privés qui développent ce type d’activité pour rendre service à leurs adhérents mais dont ce n’est pas le métier. De plus, le coût de ces dépôts est parfois onéreux. L’intérêt de ces dépôts, réside en ce que l’on peut déposer des documents parfois volumineux. En cas de dépôt d’œuvres de collaboration, il convient de bien mentionner tous les auteurs, et de préciser que le manuscrit ne pourra être retiré que par une démarche conjointe des coauteurs, ceci afin d’éviter que l’un des coauteurs ne retire seul le dépôt et supprime ainsi la preuve de la collaboration… (ceci ne représentant pas un cas d’école).

4 – l’Enveloppe SOLEAU :

Depuis le 1er avril 2024, il n’est plus possible d’envoyer des enveloppes Soleau en version papier à l’INPI. Le dépôt doit désormais être effectué en ligne via le service e-Soleau. Vous pouvez ainsi soumettre vos documents directement dans votre espace sécurisé sur le site procedures.inpi.fr.

Les conditions de paiement peuvent varier. Le service e-Soleau propose un tarif de base de 15€ pour un dépôt allant jusqu’à 50 Mo, puis 10€ supplémentaires pour chaque tranche de 50 Mo, valable pour une période de 5 ans

5. Dépôts électroniques auprès d’organismes spécialisés.

Avec le développement de la signature électroniques, des organismes indépendants ont mis en place de mécanismes de dépôt en ligne qui sont tout à fait pratiques et compétitifs.

Parmi ces solutions innovantes, la technologie blockchain se distingue par sa capacité à fournir une preuve d’intégrité et d’antériorité infalsifiable, grâce à l’enregistrement horodaté de l’œuvre dans un registre distribué. Ce type de dépôt permet de garantir que l’œuvre n’a pas été modifiée depuis l’enregistrement et qu’elle existait à une date précise, sans dépendre d’un tiers de confiance traditionnel. Plusieurs plateformes utilisent ainsi la blockchain pour proposer des dépôts sécurisés et internationalement reconnus.

À éviter absolument

Nous vous déconseillons totalement d’utiliser la technique consistant à s’envoyer à soi même une correspondance et à considérer que le cachet de la poste fait foi.

En effet, cette technique peut éventuellement paraître valable s’il s’agit d’une lettre missive, mais il est possible de s’envoyer des lettres missives vierges et de les remplir quand l’utilité s’en fait sentir. Cette technique s’avère totalement fantaisiste si vous vous envoyez un manuscrit de 100 pages. En effet, seule l’enveloppe portera le tampon de la poste, le contenu de l’enveloppe n’aura aucune date certaine. Attention, cette technique est conseillée dans de nombreuses revues et même par des syndicats professionnels.

Le fait qu’un organisme ou un ouvrage vous présente ce type de procédure (et il en existe un certain nombre) démontre son absence totale de crédibilité.

Il faut de toute façon conserver le maximum d’éléments matériels à même de pouvoir établir que vous êtes bien en possession du manuscrit ou des éléments originaux de l’œuvre, et cela avant toute communication à des tiers.

Marques, dessins et modèles

L’EUIPO et le lancement du SME fund

Depuis le 3 février 2025, l’EUIPO (European Union Intellectual Property Office) a procédé au lancement du SME Fund 2025. Ce mécanisme de subvention est destiné aux PME de l’UE afin de les aider à protéger leurs droits de propriété intellectuelle en leur octroyant un remboursement partiel de taxes de dépôt relatives aux marques, dessins et modèles et brevets.

Produire un phonogramme

Produire un phonogramme : obligations légales

Il nous a semblé utile de rappeler les principales obligations légales qu’il convient de respecter lors de la production d’un phonogramme, ou qu’il convient de vérifier lors du rachat d’un master en vue de son exploitation.

Relations avec les auteurs

Le producteur du phonogramme est défini par le code de la propriété intellectuelle (1) comme la personne physique ou morale, qui a l’initiative et la responsabilité de la première fixation d’une séquence de sons et d’images.

Le Producteur se doit donc d’abord de vérifier s’il est nécessaire d’obtenir des autorisations au titre des droits d’auteur.

Auteurs adhérents à la SACEM/SDRM

Si les œuvres relèvent du répertoire de la SDRM (2), ou d’une société étrangère ayant passé un accord de réciprocité avec la SACEM/SDRM, il convient de demander l’autorisation de reproduire les œuvres à cette société.

 

La SDRM propose trois types de mécanismes d’autorisation.

https://clients.sacem.fr/autorisations/production-d-un-support-en-association-avec-une-marque

1°. L’autorisation œuvre par œuvre.

Si les oeuvres relèvent du répertoire de la SACEM :

https://www.oparo.sacem.fr/signIn

Si les œuvres ne relèvent pas du répertoire SACEM, soit parce que les auteurs ne sont pas adhérents à l’une des sociétés d’auteur représentées par la SDRM, soit parce que les œuvres relèvent du domaine public, il n’est pas nécessaire de prévenir la SDRM, mais le producteur doit être certain de son fait. En cas d’erreur, il se trouve en situation d’infraction pénale. Ainsi, une œuvre peut relever du domaine public, mais la version utilisée n’est peut-être pas la version originelle et avoir fait l’objet d’une orchestration relevant juridiquement d’une adaptation, laquelle est protégée comme une œuvre nouvelle.

Dans un tel cas, il convient de noter que l’autorisation se fait le plus souvent au moment du pressage, et que le producteur qui procède à la fixation de l’œuvre au moment de son enregistrement en studio n’a à ce moment aucune autorisation des auteurs de procéder à cet enregistrement. Il est donc parfois préférable de faire signer aux auteurs un contrat de fixation, autorisant le producteur à procéder à l’enregistrement de l’œuvre.

Le fait que l’enregistrement est réalisé par les artistes interprètes, par ailleurs auteur de l’oeuvre, et sous contrat avec le producteur, ne dispense pas le producteur de requérir également cette autorisation des auteurs.

2°. Le contrat type producteur indépendant

Ce contrat concerne les producteurs justifiant d’un chiffre d’affaire annuel au titre de la production de phonogrammes ou exerçant une activité de production depuis au moins deux ans, avec un catalogue comprenant un minimum de 15 références et la mise à disposition du public d’au moins 5 nouveautés par an.

Dans un tel cas, le producteur conclut un contrat cadre avec la SDRM l’autorisant à procéder à l’enregistrement et au pressage de l’ensemble du répertoire de la SDRM. Il n’est donc pas nécessaire de faire signer aux auteurs des contrats de fixation, sous réserve d’avoir vérifié que tous les auteurs sont bien adhérents à la SACEM.

Ce contrat est basé sur le principe du paiement par le producteur à la SDRM d’une redevance mensuelle minimum payée à titre d’à valoir et calculée sur la base de la moyenne des redevances payées les douze mois précédents. Le producteur remet également à la SDRM une garantie permanente. Le producteur paie ensuite les droits sur la base des sorties de stocks et non sur la bases des phonogrammes pressés.

3°. Les contrats BIEM

Les majors du disque bénéficient quant à elle d’un autre type de contrat, le Contrat BIEM/IFPI, (renégocié en 2014, avenant n° 8) négocié au niveau international entre le Bureau International de l’Édition Musicale (BIEM) qui regroupe les principales sociétés d’auteur, et l’IFPI qui regroupe les producteurs.

Limite des autorisations

La SDRM n’est pas en mesure d’autoriser toutes les reproductions. Il convient alors de recueillir l’autorisation expresse des auteurs. Cela concerne :
– l’enregistrement de larges extraits ou de l’intégralité d’une œuvre à caractère dramatique ou dramatico-musical inédites. Il faut alors obtenir l’autorisation spéciale des auteurs ou de leurs ayants-droit. Ces œuvres relèvent en effet du répertoire de la SACD (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques), société auquel ses adhérents ne confèrent en principe qu’un mandat de gestion, et non un apport ;

– l’enregistrement d’œuvres littéraires,
– la fragmentation des œuvres ou l’intégration de tout ou partie des œuvres dans une œuvre nouvelle. En effet, les sociétés d’auteur ne peuvent gérer que les prérogatives d’ordre pécuniaires et ne peuvent intervenir dans les domaines relevant du droit moral,

– les modifications quelconques des œuvres , adaptation ou arrangement, superpositions de paroles nouvelles, adjonction de testes.

En effet, c’est seulement en cas de modification des œuvres que l’autorisation des auteurs ou de leurs ayants- droit est nécessaire. Les autorisations de reproduction délivrées par la SDRM ne sont en effet pas données à titre exclusive. Un auteur adhérent à la Sacem n’est donc pas en mesure de garantir une quelconque exclusivité au producteur. La seule exclusivité que peut garantir l’auteur, c’est exclusivité de première diffusion en cas d’œuvre inédite. Cette prérogative de divulgation relève en effet des droits moraux des auteurs qui ne peuvent être apportés à une société d’auteur. Dès que l’œuvre a donc été présentée au public, tout producteur peut en procéder à son enregistrement et son exploitation sous forme de disque du commerce. C’est la raison pour laquelle les « Covers » ne sont pas répréhensibles sur le plan du droit d’auteur.

Relations avec les artistes et musiciens

Le producteur qui procède à la fixation des œuvres doit forcément avoir recours à des artistes interprètes et/ou des musiciens. Même si l’auteur crée son œuvre sur des instruments électroniques, qui en effectuent une interprétation non détachable de l’écriture, il y a forcément une interprétation, ne serait-ce qu’au niveau des réglages de sonorité et du mixage. Cet interprète peut alors être également l’auteur.

Si l’enregistrement a été réalisé en France, il est indispensable de conclure avec l’artiste un contrat autorisant le producteur à procéder à l’enregistrement des œuvres et prévoyant de façon détaillé tous les modes d’exploitation envisagés des œuvres ainsi qu’une rémunération pour chaque mode de rémunération. Ce contrat est en principe un contrat de travail et les séances d’enregistrement doivent faire l’objet de l’établissement d’une fiche de paie et du paiement d’un salaire.

Il n’est possible d’accepter une facture et de se passer d’une fiche de paie que lorsque l’artiste ou le musicien interviennent dans le cadre d’un contrat de coproduction, impliquant une prise de risque de l’artiste et un intéressement corrélatif au bénéfice; l’artiste devant en principe être alors titulaire d’un numéro de registre du commerce.

Pour les artistes ressortissants des autres pays de l’EEE (Espace Économique Européen), il est possible d’accepter une note d’honoraire ou une facture en dehors de ce cadre si ces artistes ont bien une activité régulière déclarée dans leur pays et qu’il s’acquittent eux-mêmes du paiement des charges sociales dans leur pays. Mais il faut en cas de contrôle être en mesure de le prouver (3) en fournissant notamment l’Imprimé normalisé européen « A1 ».

En l’absence de paiement des séances d’enregistrement, les redevances proportionnelles aux ventes seront sensées rémunérer la prestation initiale de l’artiste et pourront être requalifiées par l’URSSAF en salaire et soumises à charges sociales.

Le paiement aux artistes et musiciens d’avances non remboursables peut également être requalifié par l’URSSAF en salaires en application de l’article L.7121-8 du code du travail. En effet, n’étant pas remboursables, ces avances ne sont pas proportionnelles au recettes d’exploitations et ne répondent donc pas à la définition des redevances.

Le passage par un intermédiaire.

En cas d’achat d’une bande en vue de sa production, (par exemple dans le cadre d’un contrat de licence), le producteur qui achète la bande ne peut se suffire d’une clause de garantie, surtout s’il a affaire directement à un artiste ou à une société sans références. Le producteur doit vérifier que les artistes et musiciens ont bien été salariés et que des fiches de paie ont été établies. En effet, l’article L. 8221-3 du code du travail sanctionne au titre du travail dissimulé le fait d’avoir recours sciemment, directement ou par personne interposées aux services de celui qui exerce un travail dissimulé. Le producteur de disque qui achète un master, doit donc vérifier que ce master n’a pas été réalisé avec recours au travail dissimulé. Il est toujours préférable de demander à se faire communiquer la copie des contrats de cessions de droit des artistes et musiciens et une copie des fiches de paie correspondant aux séances d’enregistrement. Attention, le seul fait de ne pas mentionner toutes les heures, par exemple de faire une fiche de paie pour une journée alors qu’il y a eu une semaine d’enregistrement est également constitutif de travail dissimulé.

Cette question est importante, car l’artiste qui peut prouver la réalité du travail d’enregistrement, ce qui sera souvent facile à prouver grâce au contrat d’exclusivité et à l’existence du disque, pourra intervenir devant le conseil des prud’hommes et faire requalifier son contrat en contrat de travail à durée indéterminée.

L’achat d’une bande autoproduite.

Si cette bande est réalisée par un particulier qui est seul artiste interprète, que ce dernier n’a pas de registre du commerce et que la cession de la bande est concédée à titre forfaitaire et définitive, il sera alors préférable de régulariser la situation par l’émission de fiches de paie correspondant à l’enregistrement. En effet, dans le cas contraire, le producteur encourt le risque de voir l’artiste faire requalifier le contrat de cession en contrat de travail.

Relations avec le studio d’enregistrement

Si le studio d’enregistrement facture au producteur une prestation globale, intégrant la rémunération des artistes, des musiciens et des techniciens, il est préférable de clairement distinguer la rémunération du studio du remboursement des salaires et charges et d’exiger du studio la copie des contrats de travail et des fiches de paie. Il convient également de convenir avec le studio, préalablement aux séances d’enregistrement, du type de contrat et de feuille de séances qu’il convient de faire signer aux artistes et musiciens.

Ces feuilles de séances permettront au artistes interprètes et musiciens de percevoir les droits voisins.

Ne pas oublier d’auteurs ou d’artistes

Il convient également de bien cerner ce qui relève de la technique et ce qui relève d’une prestation d’auteur ou d’artiste-interprète. En effet, les réalisateurs, les programmateurs, les mixeurs, s’ils réalisent un travail créatif sur l’œuvre, peuvent dans certains cas prétendre à la qualité de coauteur, voir d’auteur de l’œuvre, ou à tout le moins à la qualité d’artiste-interprète. Certains musiciens, surtout dans le domaine de la variété, peuvent eux aussi prétendre à la qualité d’auteur. Si ces derniers travaillent en symbiose avec les autres auteurs, et qu’ils peuvent le prouver. Il sera souvent difficile de leur nier cette qualité de coauteur. Il convient donc de bien se faire céder les droits éventuels de ce personnel qui pourrait relever d’un droit d’artiste ou d’auteur. Ces précautions s’avéreront fort utiles si votre enregistrement rencontre un succès commercial, susceptible de donner des regrets et des idées à l’ensemble des personnes qui y auront collaborées.

Il est vrai que toutes ces catégories d’auteurs ne sont pas forcément reconnues aujourd’hui par la SACEM, mais le producteur doit savoir qu’il engage sa responsabilité en procédant au dépôt d’un bulletin d’auteurs qui ne mentionne pas tous les auteurs.

(1) Article L. 213-1 du Code de la Propriété Intellectuelle.

(2) Cette société regroupe la SACEM (Société des Auteurs Compositeur et Éditeur de musique), l’AEEDRM (Société pour l’administration du droit de reproduction mécanique des auteurs, compositeurs, éditeurs, réalisateurs et doubleurs sous-titreurs).
(3) une décision de la Cour de Justice des Communautés Européennes a admis cette possibilité, CJCE 30 mars 2000 Barry Banks C/Théâtre Royal de la Monnaie.