Réponse
du ministre de la culture à une question écrite
d'un parlementaire et commentaire de Roland LIENHARDT
Question.
- M.
Patrick Delnatte attire lattention de M. le ministre
de la culture et de la communication
sur lapplication de larticle 40 du code des marchés
publics aux activités culturelles. De nombreux élus
locaux sont en effet bien souvent confrontés à
des difficultés de choix concernant les artistes ou
les disciplines artistiques du fait de lapplication
de cette disposition. Lopportunité de cet article
pour les prestations intellectuelles ayant parfois été
mise en doute, il lui demande de bien vouloir lui indiquer
dans quelle mesure une modification de la réglementation
applicable pourrait intervenir sur ce point.
Réponse. (1) - Lhonorable parlementaire
a bien voulu appeler lattention du ministre de la culture
et de la communication sur lapplication de larticle
40 du code des marchés publics aux activités
culturelles et sur léventualité dune
modification de la réglementation relative aux modalités
de publicité que doivent respecter les acheteurs publics
dans la mise en uvre des achats portant sur ces prestations.
Le 1er septembre 2006 est entré en vigueur un nouveau
code des marchés publics, annexé au décret
pris pour achever la transposition des directives communautaires
n° 2004/17/CE et n° 2004/18/CE portant coordination
des procédures de passation des marchés publics.
Ce code tient compte dans son article 30 du caractère
spécifique de certains services, au nombre desquels
sont compris les services culturels. La passation des marchés
publics qui y sont relatifs fait ainsi lobjet de dispositions
moins contraignantes que celles qui concernent les autres
services, mentionnés à larticle 29. À
ce titre, en application des dispositions de larticle
30, les marchés portant sur des prestations de services
culturels peuvent être passés selon la procédure
adaptée prévue à larticle 28, quel
que soit leur montant. Il en résulte que ne leur sont
pas applicables les dispositions des III et IV de larticle
40, qui prévoient une publicité obligatoire
au BOAMP et/ou au JOUE lorsque les prestations dépassent
certains montants. Il revient en conséquence à
lacheteur public de décider librement des mesures
de publicité à mettre en uvre, dans le
but de permettre une mise en concurrence effective. À
cette fin, il doit adapter les modalités de publicité
à chaque cas particulier, ce qui implique de les déterminer
en fonction « de la nature et des caractéristiques
du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation
des opérateurs économiques susceptibles dy
répondre ainsi que des circonstances de lachat
«. Lorsque le montant des prestations est inférieur
à 4 000 euros hors taxes ou lorsque les circonstances
le justifient, lacheteur public peut toutefois être
amené à décider que le marché
sera passé sans aucune
procédure de publicité ou de mise en concurrence.
Cette dernière éventualité fait notamment
référence à larticle 35-11-8°
du code, qui a pour objet de permettre aux acheteurs publics
de passer un marché négocié sans publicité
ni mise en concurrence préalable lorsque le marché
ne peut être confié « quà
un opérateur économique déterminé,
pour des raisons techniques, artistiques ou tenant à
la protection de droits dexclusivité ».
Lensemble de ces dispositions illustre la prise en compte
par la réglementation de la spécificité
des activités culturelles, même si la jurisprudence
administrative peut être restrictive quant à
leur application, au regard des obligations de mise en concurrence
qui simposent à tous les acheteurs publics.
Commentaire : le moins que lon
puisse dire cest que la réponse du ministre de
la culture manque singulièrement de clarté et
dénote un certain manque de courage politique.
Tout dabord, au lieu dassumer les contraintes
liées à la gestion de largent public comme
nécessaires dans une société démocratique,
et dindiquer que lEurope ne fait quuniformiser
ces contraintes afin de permettre une réelle concurrence
et un réel accès à la commande publique
pour les européens, nécessaire aux échanges
et à lémergence dune conscience
européenne, le ministre indique seulement que tout
cela relève dune contrainte européenne,
une directive que lon se doit dappliquer.
Il nest pas étonnant de voir la France rejeter
lEurope quand nos hommes politiques laccusent
systématiquement de tous les maux et refusent toute
mesure pouvant déranger des habitudes, même lorsquelles
sont exécrables.
Le ministre incite ensuite à avoir une conception large
des textes, tout en ayant lhonnêteté de
conclure sa réponse en rappelant que la
jurisprudence administrative peut être restrictive quant
à leur application . Ce qui signifie en
clair que ceux qui suivent la position ministérielle
ont toutes les chances de se voir sanctionner en cas de contentieux.
La France est tout de même lun des rares pays
dans lequel les pouvoirs publics appellent aussi clairement
et de façon constante à enfreindre la réglementation.
La nouvelle procédure
adaptée
Le nouvel article 28 du nouveau code des marchés publics
organise la procédure dite adaptée. Cette procédure
concerne les marchés dun montant inférieur
aux seuils fixés à larticle 26 II du code,
soit 135 000 Euros pour les fournitures et services de lEtat,
et 210 000 Euros pour ceux des collectivités territoriales
(2).
Pour ces marchés, les modalités de publicité
et de mise en concurrence sont librement établies par
le pouvoir adjudicateur en fonction de la nature et des caractéristiques
du besoin à satisfaire, du nombre ou de la localisation
des opérateurs économiques susceptibles dy
répondre ainsi que des circonstances de lachat.
Le pouvoir adjudicataire peut décider dappliquer
les règles de procédure formalisées de
larticle 26-I, mais il peut aussi organiser ses propres
règles de procédure. La jurisprudence du Conseil
dÉtat exigeait dans le cadre du code précédent,
que le pouvoir adjudicateur soit en mesure de justifier que
les procédures de publicité et de mise en concurrence
aient été à même de générer
un nombre doffres concurrentes suffisant eut égard
aux spécificités du marché.
La procédure adaptée de larticle 30 sapplique
aux marchés et accords-cadres ayant pour objet des
prestations de services qui ne sont pas mentionnées
à larticle 29, et cela quel que soit leur montant.
Effectivement les activités culturelles, de loisir
et de spectacles ne figurent pas dans la liste des activités
mentionnées à larticle 29 et peuvent donc
être passées selon la procédure adaptée.
Peut on se passer de toute procédure ?
Le dernier alinéa de larticle 28 qui organise
la procédure adaptée énonce que le pouvoir
adjudicateur peut décider que le marché sera
passé sans publicité ni mise en concurrence
préalables si les circonstances le justifient ou si
le montant estimé du marché est inférieur
à 4 000 Euros HT, ou dans les situation décrites
à larticle 35.
Peut-on en conclure quil est possible pour les spectacles
de se passer de toute publicité et de toute mise en
concurrence. Nous pensons que cela nest possible que
si les circonstances le justifient. Cela ne nous semble donc
pas pouvoir concerner lorganisation dune programmation
normale, décidée parfois longtemps à
lavance et dans des circonstances ne justifiant pas
labsence de publicité et de mise en concurrence.
Larticle 35 II considère par ailleurs quun
certain nombre de marchés peut être passé
sans publicité préalable et sans mise en concurrence.
Au titre de ces marchés, le 8° vise les
marchés et les accords cadres qui ne peuvent être
confiés quà un opérateur économique
déterminé pour des raisons techniques, artistiques
ou tenant à la protection de droits dexclusivité.
Il nous semble cependant que cette disposition ne modifie
pas sensiblement la question par rapport à létat
du droit antérieur. En effet, il y a toujours eu des
dispositions permettant de soustraire des obligations liées
aux formalismes du code des marchés publics les marchés
ne permettant pas une mise en concurrence. Ainsi, si une collectivité
entend modifier ou adapter une uvre protégée
au titre du droit dauteur, elle ne pourra confier ladaptation
quau détenteur des droits, ou à une personne
que lauteur ou ses ayants droit autoriseront. Il en
est de même pour un festival consacré à
un auteur qui nécessitera forcément dobtenir
les autorisations, ou si un seul artiste est en possession
des brevets qui lautorisent à être détenteur
exclusif de son instrument original (exemple des sirènes
musicales).
Dans la pratique, le pouvoir adjudicateur ne sadressera
quexceptionnellement aux artistes, mais aux producteurs
de spectacle, et lobligation de publicité et
de mise en concurrence devrait être la règle.
Le respect du code des marchés publics qui simposera
forcément un jour ou lautre dans le secteur culturel
devrait voir émerger des producteurs qui sorganiseront
en centrale dachat de spectacles afin de bénéficier
des dispositions de larticle 31 du code des marchés
publics qui dispense le pouvoir adjudicateur de toute obligation
de publicité et de mise en concurrence.
La position du Conseil dEtat exprimée dans ses
arrêts Commune de Bastia du 8 décembre 1995 (n°168253),
ou dans ses arrêts du 23 février 2005 qui avait
annulé les précédentes dispositions des
articles 30 et 40 organisant des dispenses de procédure,
na aucune raison de changer. Le Conseil dEtat
a posé un principe général de publicité
et de mise en concurrence. Le nouveau code des marchés
publics a valeur de décret et aucune raison sérieuse
ne justifie de dispenser le secteur du spectacle de cette
obligation, ni ne permet de penser que les juridiction traiteront
différemment ces nouvelles dispositions.
(1) QAN 5 septembre 2006, p. 9335.
(2) Cet article 26 II prévoit également un seuil
de 210 000 Euros pour les marchés de service de
recherche et développement pour lesquels le pouvoir
adjudicateur acquiert la propriété exclusive
des résultats et quil finance entièrement
et pour les marchés de travaux.
©
Nodula - Septembre 2006
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